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Cacao et saucisses
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3 février 2009

Une analyse pertinente

Le 29 janvier ou le début d'une vraie révolution

Comment interpréter l'ampleur de la journée du 29 janvier ? Pour notre ami Malakine, il faut replacer les manifs de jeudi dernier dans leur contexte historique: la crise a décillé les Français sur la mondialisation et le néolibéralisme. Le peuple français retrouve ses réflexes révolutionnaires incompréhensibles pour les élites et la presse étrangère.

L'ampleur de la mobilisation de la journée du 29 janvier est une divine surprise. On croyait la France atomisée par l'individualisme, fragmentée en communautés et en corporation antagonistes, dépourvue de culture économique pour pouvoir penser la crise et définitivement incapable s'unir dans une contestation utile du système. Toute crise sociale apparaissait même impossible en dehors d'une provocation du pouvoir.

Retour sur vingt ans de néolibéralisme

Pourtant, alors que les gros effets de la crise ne se sont pas encore fait sentir et que le pouvoir est sagement resté inerte depuis des semaines, une gigantesque vague de contestation unitaire a submergé le pays, de la capitale aux plus petites villes, toutes classes sociales, toutes générations et toutes corporations réunie dans une même protestation.
Cet étonnant mouvement quasi spontané a suscité la plus totale incompréhension à l'étranger comme dans les cercles dirigeants du pouvoir ou chez les penseurs officiels : crispations dirigée contre la personne haïe du président ? Rébellion puérile contre une crise mondiale imprévisible et irrésistible ? Une poussée de fièvre en forme de révolte anarchisante et irresponsable ? Non ! Le début d'une révolution ! Voici le récit de sa genèse.
La journée du 29 mai ne peut prendre sens que si on la remet dans la perspective historique de ces dix ou vingt dernières années.

La France est une Union soviétique qui aurait réussi
La France n'a jamais vraiment aimé ni le capitalisme comme principe économique ni la concurrence comme principe de d'organisation sociale ni la mondialisation comme seul horizon, à tel point qu'on a dit d'elle qu'elle avait été une union soviétique qui aurait réussi. Son modèle traditionnel c'est plutôt le capitalisme d'Etat, le service public à monopole, la grande entreprise industrielle intégrée et l'économie administrée.
Néanmoins, de plus ou moins bonne grâce, la France s'est adaptée au nouveau standard économique qui s'est imposé dans le monde à partir des années 80. Tout d'abord sous couvert de construction européenne, puis d'impérieuse nécessité faute de quelconque autre alternative possible. C'était la réforme libérale ou le déclin.

Les Français cancres de la mondialisation
Même s'ils se rebellaient parfois, dans la rue contre telle ou telle réforme jugée absolument nécessaire ou dans les urnes, en votant mal-pensant ou contre la sacro-sainte Europe, les Français ont fini par se faire à la nouvelle donne économique. Sans jamais réussir pourtant à s'y adapter pleinement et encore moins à en tirer profit. Les Français ont toujours été les cancres d’un système néolibéral qu’ils continuaient à réprouver. Toutes les études d'opinion montraient que les Français ont toujours été le peuple d'Europe qui rejetait le plus massivement les mots clés de la modernité économique, du capitalisme à la mondialisation. Encore récemment, un sondage commandé par le gouvernement confirmait cette tendance lourde : 53 % des français pour une réforme en profondeur du capitalisme et 59 % pour considérer que l'Etat n'intervenait pas assez dans l'économie !
Cette révolte silencieuse contre un système qui ne correspond pas à ses valeurs profonde ne pouvait cependant pas trouver à s'exprimer, faute de débouché politique et d'alternative raisonnable … Jusqu'à la crise.

Le virage à 180° de Sarkozy
Les Français ont rapidement compris que la crise ne venait pas de leurs insuffisances ou de leur archaïsme comme on leur avait dit depuis des années, mais du cœur du système et des valeurs mêmes qu'on leur avait présenté comme le fin du fin de la performance et de la modernité. La crise est partie de la terre natale du libéralisme mondialisé, des Etats-Unis et principalement de Wall Street. L'épicentre du séisme se trouvait dans les banques et les salles de marchés.
Très vite après le déclenchement du volet financier de la crise, elle a entendu avec étonnement son président, qu'elle avait pourtant connu comme un zélote du libéralisme à l'américaine, tenir un réquisitoire d'une extrême violence contre l'idéologie du marché devenu loi de la jungle, le capitalisme financier prédateur, les banquiers qui s'enrichissent au-delà de l'indécence, une mondialisation totalement déréglée... Il fallait tout repenser, refonder le capitalisme, moraliser la finance, tourner une page. Nous entrions dans un monde nouveau.
Dans un premier temps, la France a accueilli ces discours avec amusement. Ce président narcissique et prétentieux en faisait vraiment trop pour se mettre en valeur ! Néanmoins, le tabou du « il n'y a pas d'alternative » était levé. On était plus comme dans les années 70 dans un choix binaire entre deux systèmes. On se retrouvait face à une page blanche, en pleine inconnue. Le système tant honni n'avait désormais plus de défenseurs et ses premiers accusateurs étaient les faits eux même.
Quand elle a vu les indices de bourses plonger et les banques faire faillite, elle a accueilli la nouvelle avec le sourire. Elle a pensé que c'était une crise de riches, causée par les riches au détriment les riches. Tant mieux !

Le retour du peuple révolutionnaire
Puis, elle vit des milliards d'un argent public qui se faisait si rare, aller s'engloutir sans limite dans le puits sans fond des pertes bancaires, ce qui la fît moins rire. Elle a vu les premiers effets de la crise, le chômage partiel, les plans sociaux préventifs, ce qui commença à l'inquiéter.
Elle savait que son niveau de vie, déjà en recul, était l'une des conditions de la reprise. Si elle se remettait à consommer, la machine repartirait. Mais on lui disait que c'était impossible, car si on augmentait ses revenus, seuls les Chinois allaient en profiter. On leur avait dit que de faire partir les usines leur ferait gagner du pouvoir d'achat, et maintenant qu'elles étaient parties ont leur disait qu'on ne pouvait plus l'augmenter. La France prit alors conscience que le système se refermait sur elle comme un piège.
Finalement elle se rendit compte que ceux à qui on a demandé tant d'effort pour s'adapter au système étaient les véritablement les seuls à payer la facture de la crise. Ceux qui en ont toujours tiré profit en étaient en revanche épargné. Les manageurs et les traders continuaient à se verser des faramineux bonus, les grandes entreprises à faire des profits par milliards, les actionnaires à toucher leur juteux dividendes, les banques à continuer à les rançonner.

Pour un juste partage des efforts
Cela ce n'était pas acceptable. Une tempête touche tout le monde de manière égalitaire, la maison du patron comme celle de l'ouvrier, celle du chômeur comme celle du rentier. Cette crise ne s'abattait que sur les victimes du système en épargnant les responsables du désastre. Insupportable !
Alors la France a décidé de reprendre ses vieux habits de peuple révolutionnaire et voulu changer les règles. Elle descendit naïvement dans la rue pour réclamer la fin des licenciement et le retour des augmentation de salaires, une vraie politique de relance, une sérieuse protection contre la crise et un juste partage de l'effort., sans se rendre compte que c'était le système lui même qu'elle attaquait.
Ce n'était pas une révolte de plus, mais une nouvelle révolution qui s'engageait.

 

Lundi 02 Février 2009 - 07:42

Malakine

 

Lu sur http://www.marianne2.fr/Le-29-janvier-ou-le-debut-d-une-vraie-revolution_a174693.html

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